Et toi, ton coming out ?
«Rendu au point où j'en étais, c'était une question de survie et de santé mentale.»
Le coming out, comme nous le comprenons et en avons discuté dans Nature morte à la chaise cannée et coming out, est un événement charnière, un moment important.
Dans notre famille, pour Maël, il y a eu plusieurs coming out. Il y a eu le coming out aux parents, celui à la fratrie, le coming-out à la famille élargie que nous avons jumelé à celui des ami.e.s par le biais d'un message électronique envoyé à tous. Il y a eu les coming out à l'école: le coming out officiel et les multiples coming-out plus ou moins forcés par des erreurs de professeurs. Ce que l'on nomme «outing» *.
Il y a le coming out que l'on reçoit directement, mais il y a aussi le coming out que l'on transmet à d'autres à la demande de l'enfant et on insiste ici sur le : «... à la demande de l'enfant». Dans notre famille par exemple, c'est Geneviève qui ait parlé au père de Maël, son conjoint, Mario et qui ait «outé» Maël avec son consentement.
On en parle dans un dialogue mère-fils :
Allo Maël ! Comment ça va aujourd'hui ?
Bien, toi ?
Moi aussi ça va bien, est-ce que c'est ok si on parle de ton coming out ?
Oui, pas de problèmes !
Quand est-ce que tu as décidé que tu faisais ton coming out à tes parents ?
Quand j'ai eu suffisamment de mots pour me décrire correctement et que j'ai été dans un environnement sécuritaire partout où j'allais, comme à l'école, entre autre.
Comment tu as su que tu étais dans une environnement sécuritaire ? C'est grand l'école !
Justement, c'est grand et il y a donc plus de diversité. J'ai eu la chance d'être en robotique et de rencontrer d'autres personnes de la communauté LGBTQ. C'est ça qui m'a fait me sentir en sécurité.
Et c'est quoi les mots que tu as découvert pour te décrire que tu n'avais pas avant ?
Bah, pour commencer, les personnes transgenre, mais aussi plus spécifiquement non-binaire et demi-boy. Ce sont des termes que je ne connaissais pas et qu'on apprend définitivement pas à l'école !
L'accès a l'information est difficile, où est-ce que tu as été chercher l'information pour mieux comprendre les concepts liés au genre ?
Ça a commencé avec la bande dessinée Assignée Garçon de Sophie Labelle. Ensuite, quand j'ai eu accès à Instagram, j'ai trouvé des comptes qui parlaient de la transidentité et de la communauté LGBTQ. Ça m'a aidé à mieux comprendre et à enrichir mon vocabulaire.
Et pourquoi as tu décidé de faire ton coming out à tes parents ?
Parce que rendu au point où j'en étais, c'était une question de survie et de santé mentale. Mais aussi parce que je savais que je pouvais vous parler et que vous alliez tout faire pour comprendre et m'aider.
As tu eu peur qu'on ne réagisse pas comme tu l'espérais ?
Pas vraiment, ma famille a toujours été très ouverte sur tout ce qui touche les sujets "tabous" dont la sexualité, la communauté LGBTQ, la politique, les drogues et tout le bal.
Est-ce que je peux te demander de quelle manière tu avais prévu faire ton coming out et comment ça c'est passé ?
Hum...c'était juste à moitié planifié. En fait, j'avais fait une liste de prénoms que j'aimais et je t'ai demandé lequel tu préférais. On était dans la voiture, en chemin vers la maison et tu m'as demandé c'était pour qui et j'ai dit que c'était pour moi, que je voulais un prénom moins féminin. C'est juste comme ça que c'est arrivé !
Prévoyais tu me dire que tu te sentais différent et que tu te considérais comme gender fluide et bi-sexuel ?
Nope, c'était pas vraiment prévu dans mon planning, mais j'avais l'occasion de le faire, alors je l'ai fait.
Dirais tu que c'est important de poser des questions quand quelqu'un nous parle d'un changement de prénom ou de pronoms ? Est-ce que ça vaut le coup de demander pourquoi par exemple ?
Je pense que c'est important de ne pas trop poser de questions au début et de juste accepter. Ensuite, lorsque la personne est confortable et qu'elle est plus habituée au changement, parce que c'est un changement pour elle aussi ne l'oublions pas, on peut poser des questions.
Dirais tu que j'ai été trop vite en te demandant pourquoi tu voulais changer de prénom au moment de ton coming out ?
Pour moi non, c'est une question un peu étrange que je te posais et j'étais préparé à recevoir des questions. Probablement que si j'avais fais un coming-out "direct", en disant que j'étais trans et que j'avais déjà choisi un prénom et tout, je n'aurais pas été très ouvert à me faire questionner.
C'est vrai que ça fait un peu «inquisition» de poser plein de question à quelqu'un qui se confie à nous. Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut dire à quelqu'un qui nous offre son coming out pour éviter de le rendre mal à l'aise ou de gâcher ce moment là ?
Juste confirmer qu'on le supporte et demander les nouveaux pronoms et prénom. Ensuite c'est à iel de voir ce qu'il faut faire.
Et si c'est ton enfant ?
Même chose, c'est même plus important encore, justement parce que c'est ton enfant. Si iel reçoit une mauvaise réaction de votre part, ça va être vraiment difficile, voir même impossible à vivre.
C'est vrai que sur le coup je t'ai juste demandé si tu voulais que j'en parle à papa. Et je t'ai dit merci de la confiance que tu m'accordais en me parlant aussi ouvertement de ce que tu vivais. Ça n'a pas été le gros show avec des feux d'artifice, des trompettes et des confettis.
Tu te sentais comment après notre conversation ?
Je me sentais en confiance et relaxe. Ça a fait du bien !
Est-ce que c'était ton «mood» général relaxe et en confiance dans ce temps là ?
Ah non ! Pas du tout, j'étais (je suis) toujours un peu sur les nerfs.
Qu'est ce que tu voudrais donner comme conseil aux parents qui vont vivre le coming out de leur enfant ?
Supportez les peu importe quoi, si vous avez des difficultés avec ça, allez chercher de l'aide, des ressources, poser des questions à d'autres parents, mais jamais, peu importe quoi, délaissez ou blessez votre enfant. Vous êtes super importants pour eux et votre réaction va littéralement changer leur vie.
Et aux jeunes qui voudraient faire leur coming out à leurs parents, tu leurs conseil quoi ?
Faites attention à vous, si vous savez que vous n'êtes pas dans un environnement sécuritaire, c'est triste à dire, mais ne faites pas de coming-out.
Sinon, faites des recherches avant et informez vous, c'est super important. Connaissez votre réalité pour vous même avant d'en parler à vos proches.
Toi tu l'as vécu comment ?
Sur le coup comme une nouvelle porte qu'on ouvre et par laquelle on voit enfin un peu ce qui se passe dans la tête de notre enfant, c'est intrigant et en même temps je percevais très bien toute l'importance de ce moment là, que ça changerait les choses.
Avec le recul je comprends que ça été le feux vert pour aller chercher tout ce dont tu avais besoin pour te sentir enfin toi même. Mais ça personne ne peut le mesurer, des fois c'est pas grand chose et des fois se sont des démarches importantes et longues avec beaucoup d'attente.
As tu trouvé ça difficile les coming out à la famille et tout ?
Pas à ton père, mais on dirait que son cerveau n'avait pas tout enregistré. J'ai l'impression que pour lui, tu venais de changer de couleur de vernis à ongle et que c'était pas mal ça l'enjeu sur le coup.
Par contre le coming out à la famille élargie n'a pas été uniforme. Si pour certains c'était super bien accueilli pour d'autres ça ne c'est pas aussi bien passé. La technique utilisée n'a pas plu à tout le monde, mais c'était ton choix et c'était tes coming out, personne ne peut choisir pour toi ce que tu veux utiliser comme technique pour faire ton coming out, ça t'appartient.
Après en avoir parlé plus amplement avec les personnes concernées, tout est entré dans l'ordre. J'étais vraiment contente de la réaction de nos ami.e.s, on a reçu une grosse vague d'amour !
Je n'ai pas trouvé ça difficile, j'étais, je suis, fière de toi de qui tu es, de la manière dont tu t'affirmes ! J'ai beaucoup de chance de t'avoir dans ma vie !
Awww merci maman ! Sinon ça a été quoi le plus difficile pour toi en tant que parent ?
Ta souffrance. Tout à coup je comprenais l'origine de ta souffrance et comment tu avais pu te sentir seul. Toutes les fois où tu me disais, tout petit, que tu étais un étranger, que tu n'avais pas d'ami.e.s comme toi, que tu étais différent.
Et toi, tu donnerais quels conseils aux parents et aux enfants qui font un coming out ?
Aux parents j'ai envie de dire, soyez patients. Il faut qu'il sente que vous êtes un roc, que vous êtes fort.e.s et solides parce que ce dont il a besoin c'est de pouvoir s'appuyer sur vous. Faites des recherches, écrivez à Enfants Transgenre Canada, demandez de l'aide si vous en ressentez le besoin. Si, au contraire, vous trouvez que c'est merveilleux, célébrez le, dites lui à votre jeune que vous êtes heureux qu'il se soit trouvé.
Aux jeunes, je dirais la même chose que toi, attendez d'être en sécurité. Si vous voulez faire un coming out et que vous craignez la réaction de votre parent ou de vos parents, demander de l'aide pour faire votre coming out à un organisme qui peut vous accompagner, Transestrie le fait par exemple. Parlez d'abord à quelqu'un en qui vous avez confiance et qui vous soutiendra.
Il y a mille et une façon de faire un coming out : écrire une lettre, un courriel, le faire en tête à tête ou pendant une réunion de famille, le faire à une personne à la fois ou le faire à plusieurs personnes en même temps, le faire dans un vidéo, bref c'est votre coming out, c'est votre choix.
Si vous n'en êtes pas certain.e vous pouvez vous tourner vers un organisme qui vient en aide aux personnes trans. Ils ont tout un tas d'outils pour vous aider à forger votre coming out de la meilleur manière qui soit, pour vous.
De l'autre côté, si vous recevez les confidences de quelqu'un qui vous offre son coming out, soyez humble, soyez patient. Vous aurez certainement l'occasion de reparler des enjeux entourant la réalité de la personne qui est venue vers vous en toute confiance. Entre temps informez vous.
Si vous le vivez comme un grand choc, l'aide existe, mais ce n'est pas à la personne qui fait son coming out de vous supporter au travers de vos épreuves.
Comme parent d'un enfant trans il y a plusieurs enjeux liés au coming out de votre enfant. Il sera plus facile désormais pour lui d'aller de l'avant dans sa transition, s'il en ressent le besoin, avec votre support.
Pour un peu de lecture il existe un magnifique document, en anglais, sur le coming out trans mis en place par l'organisme LGBT youth Scotland. Aussi utile pour les personnes trans que pour leurs proches. On vous laisse le lien juste ici.
Pour entendre parler du coming out et de non-binarité du genre on vous invite aussi à consulter l'émission Y'a du monde à messe animé par Christian Bégin, dans une magnifique entrevue avec Samuele Mandeville.
On vous laisse aussi le lien pour une vidéo présentée par l'émission Deux filles le matin sous le titre Accompagner son enfant trans, à laquelle nous avons eu la chance de participer.
*«outing» ou «outer» en franglais : L'outing est le fait de révéler l'orientation sexuelle, l'identité de genre, ou la variante du corps (intersexuation) d'une personne sans son consentement, voire contre sa volonté. C'est mettre quelqu'un «out», forcer un coming out. Un exemple très pertinent de ce qu'est le outing est le film Love Simon.
Comments